L’exposition se déroule telle une fable prétexte à libérer l’imagination où les frontières entre fiction et réalité sont brouillées. Dans ce contexte, My Prehistoric Past est une invitation à une exploration, une machine à voyager dans le temps. Il s’agit de donner à voir un récit pluridisciplinaire d’une culture riche de sensibilité, adroite et ambitieuse. Laurent Le Deunff présente avec ironie son archéologie à travers l’univers infini de la création des formes. Les motifs, les figures et les scènes entretiennent des relations évidentes avec la nature, l’enfance et l’artisanat, et produisent de multiples résonances à la fois anecdotiques et hantologiques1.
Laurent Le Deunff aime transformer les espaces et jouer avec les codes muséographiques des musées d’Histoire naturelle ou de civilisation : diorama, trompe-l’œil, cabinet de curiosité, tapisserie… Les dispositifs scénographiques interrogent le « fake », les liens entre artisanal et industriel, profane et sacré. Les sculptures, les dessins, les bas-reliefs qui jouent sur les degrés d’échelles s’incrustent dans des paysages et composent un environnement immersif. L’espace d’exposition et l’espace des œuvres sont à la fois superposés et dissociés. My Prehistoric Past se présente alors comme un espace d’histoire en devenir, un champ imaginaire dont le but n’est pas de restituer le passé mais de générer des images et des histoires. L’artiste propose plusieurs strates temporelles et narratives qui se superposent et s’enchevêtrent pour créer un récit plurivoque proche du montage cinématographique. Les œuvres peuvent être appréhendées alors comme des micro-fictions laissant le spectateur réaliser le montage final.
Dans ce nouveau décor et ce nouveau scénario, Laurent Le Deunff recontextualise son répertoire de formes (requin, taupe, coquillage…), tout en jouant sur les matériaux, les échelles et les points de vue. « Je m’intéresse aux formes ancestrales, ainsi qu’aux anachronismes qu’elles provoquent dans leur rencontre avec des formes modernes. Je tente de chercher l’origine » précise l’artiste. Jouant des formes et des techniques (sculpture sur bois, rocaille, dessin, modelage, collage…), Laurent Le Deunff propose une archéologie de son propre travail et joue sur « le devenir fossile de ses sculptures ». « Le fossile n’est plus simplement un être qui a vécu, c’est un être qui vit encore, endormi dans sa forme »2 . La dynamique du travail se construit ainsi dans un rapport à ce qui est, n’est plus, devient, revient. Au sein de cet inventaire de formes fossilisées, Laurent Le Deunff propose une nouvelle lecture de dix ans de création.
1. L’hantologie est un néologisme introduit par le philosophe français Jacques Derrida : mot-valise composé de hanter et d’ontologie, désignant ici « l’accumulation et la résurgence de traces fantomatiques du passé dans la création » (Le Temps, 10 octobre 2015).
2. Gaston Bachelard (1957), La poétique de l’espace, Paris, PUF
Commissariat : Clément Nouet