Laurent Le Deunff travaille essentiellement avec des matériaux issus de la nature, privilégiant le bois dont il livre des sculptures qui par leur côté fini s'apparenteraient, dans certains cas, à des formes qui oscillent entre objets d'art, objets manufacturés et objets d'artisanat. L'artiste brouille les pistes et joue de ce savoir faire et de cet aspect «fait main» qu'il n'hésite pas à exacerber lorsqu'il réalise des petites œuvres en rognure d'ongles (Crâne, 2002-2003) ou en dents d'animaux sculptées (Autoportrait, 2003) qui pourraient facilement se situer aux confins d'une forme artistique qui rappellerait celle de l'art brut.
Pour Laurent Le Deunff le choix du matériau induit le sujet réalisé (un os en albâtre, une massue en bois à la matière mise à nu). Les motifs s'inspirent très largement de ceux issus de la nature (feux de camp, animaux, tente, grotte) et demeurent sa source principale d'investigation à l'encontre de la prolifération de signes et de matériaux provenant de nos sociétés post-industrielles. L'accessibilité du travail de Laurent Le Deunff cache cependant les enjeux esthétiques qui sont au coeur de sa sculpture et il serait erroné de n'y voir qu'une reprise de motifs populaires remis à un certain goût du jour. La lecture de l'œuvre s'avère, au contraire, bien plus complexe. Les sujets que l'artiste traite, la technique qu'il développe, essentiellement la taille directe, mais aussi celle du modelage (techniques qui appartiennent à l'histoire de la sculpture), affirme l'absence de toute hiérarchie ou catégorie formelle, au-delà d'une conception high and low de l'art dont le questionnement se trouve être au coeur de la création contemporaine. Il serait trop simple de parler d'un «retour à la nature», qui serait commun à quelques artistes, et notamment à quelques sculpteurs, mais il y a chez Laurent Le Deunff un attachement certain pour le monde préservé de la forêt qui servirait de cadre à son travail dans l'élaboration de ce monde personnel.
Pour sa première exposition personnelle à la galerie Semiose, il sera question, non de reconstituer un morceau de nature au sein de la galerie, mais plutôt de confronter une diversité de motifs aux caractéristiques formelles surprenantes et intrigantes (galerie de taupe, conque géante, dent d'animaux sculptée); des motifs que Laurent Le Deunff se plaît à réinterpréter en jouant tout autant avec leur échelle qu'avec les potentialités de la matière élue afin de mieux brouiller les pistes de leur représentation. Avec les sculptures, l'artiste propose un ensemble de dessins qui a comme sujet l'accouplement animal. Ceux-ci présentent cette même délicatesse graphique qui caractérise habituellement ses dessins, mais ils ont cette particularité de donner ici à voir un enchevêtrement de formes dont il est possible d'imaginer qu'elle naît de la rencontre de deux animaux.
Valérie Da Costa