Hugo Capron est le lauréat de la 8ème édition de la Bourse Révélation Emerige.
Première impression
Hugo Capron peint en série. À l’instar des Impressionnistes du XIXe siècle, la fascination que porte Capron à l’incidence des conditions lumineuses continuellement changeantes sur la forme, la couleur ou la composition, l’a incité à traiter les mêmes sujets encore et encore – un exercice répétitif qui révèle des variations aussi spectaculaires que subtiles. Mais, alors que Monet peignait en plein air, cherchant à capturer les effets fugaces de la lumière naturelle sur les meules de foin, les peupliers et les nénuphars, Capron peint en atelier, de mémoire, sans même une photographie ou un croquis pour le guider.
Après plusieurs séries très colorées figurant des crevettes, des carpes ou des feux d’artifice, les dernières peintures de Capron décrivent un citronnier solitaire, qu’il traite dans des nuances de gris. Simple et ténue, l’inspiration de cette série de natures mortes a pour origine un citronnier, placé derrière une grande fenêtre chez l’artiste. Observant la plante quotidiennement, Capron a intériorisé les différents états de lumière – la douce lueur de l’aube, les contrastes aigus apportés par la lumière crue de l’après-midi, la brume romantique du coucher du soleil, l’obscurité de la nuit et toutes les nuances subtiles entre ces états. Les lumières artificielles à l’intérieur et à l’extérieur créent encore plus de permutations possibles. De retour dans l’atelier, Capron fait appel à certaines des combinaisons infinies d’ombre et de lumière pour créer des peintures mélancoliques de branches élancées, de fruits orbiculaires et de feuilles effilées.
Si la simplicité des formes de la série des citronniers rappelle les découpages de Matisse, les dernières peintures de Capron semblent encore plus candides en raison de l’absence de couleur. D’une peinture en niveaux de gris à une autre, la relation entre l’espace positif et négatif change. Le premier plan et l’arrière-plan conservent toutefois la même importance et sont traités avec la même aisance de geste. Défiant la hiérarchie de la composition traditionnelle attachée au genre de la nature morte, Capron ne privilégie pas le sujet par rapport au décor. Si l’on considère que la lumière est le véritable sujet de Capron (ses éléments de composition n’étant que de simples accessoires qui absorbent ou reflètent alternativement la luminosité), pourquoi un arbre serait-il plus important que la fenêtre située derrière lui ?
Le mot « impression » s’applique également au travail de Capron dans un autre sens, du fait d’une qualité particulière de ces peintures, liée à l’imprimerie, qui va bien au-delà de leur sérialité. Capron, qui a étudié la gravure au Japon et a également travaillé dans une imprimerie commerciale, réalise des peintures dont les compositions très contrastées et d’apparence ciselées se rapportent spécifiquement à la gravure sur bois.
Le dernier motif de Capron, qui renvoie au XIXe siècle, rappelle les gravures sur bois japonaises d’Utagawa Hiroshige – dont l’image d’un prunier (Le Jardin des pruniers à Kameido, 1857) a inspiré Vincent Van Gogh. De la même façon, Capron semble vouloir interpréter la netteté et la planéité stylisée de la gravure à l’aide de ses coups de pinceau si spécifiques. Il en résulte des impressions à la fois immédiates et intimes.
Mara Hoberman
Mara Hoberman est une critique d’art basée à Paris. Collaboratrice régulière d’Art Forum, Mara Hoberman a également écrit pour le New York Times, le Wall Street Journal, E-Flux’s Art Agenda, Art Slant, Canvas et Whitewall. Elle effectue actuellement des recherches pour le futur catalogue raisonné de l’œuvre de Joan Mitchell.