Dans mes mains est à la fois le titre de l’exposition et celui de ma nouvelle sculpture en bronze. Le geste est intense, le matériau robuste. La figure est dissimulée sous une cascade de cheveux, dégoulinante comme de l’eau. En l’absence de visage, toute la tension se reporte dans le geste, autour duquel s’organise la sculpture. Moins qu’à une menace latente, nous assistons à la fin d’un combat. La scène semble tronquée : l’évènement est passé, l’action est close et désormais figée dans le bronze. Si au premier abord, la figure ne donne à voir que ses cheveux, à mesure qu’on la contourne, on découvre les chaussures à talons : associés au geste de puissance, ils incarnent les attributs d’une féminité conquérante. Conquérante et saisissante aussi, parce que ses proportions sont plus grandes que nature. Dépliée, sa taille dépasserait celle du spectateur.

J’ai associé cette sculpture avec des peintures récentes d’adolescents. J’observe des jeunes dans les musées, dans la rue, en France, à l’étranger. Ces images sont des instantanés d’aujourd’hui. Ces adolescents se regardent peu, se parlent peu, mais se touchent, se mélangent presque. Leurs identités fusionnent dans les amitiés intenses où chacun est le miroir de l’autre. Les fonds des tableaux sont brossés à grands traits, ils ne représentent rien, ils sont une pure couleur, comme chez Ingres, auquel je pense souvent. J’admire chez lui la modernité dans les figures féminines, le soin et la précision apportés aux détails des vêtements, les plis, les broderies, le corsetage des femmes du XIXe siècle aussi, il faut le reconnaître. J’ai cherché à dépeindre les lignes graphiques qui barrent les corps de ces adolescents. J’ai varié les cadrages et points de vue, dessus-dessous, tout comme les couleurs, puisées dans la palette que j’emploie en ce moment : vert acide, mauve, orange et bleu charron.


Françoise Pétrovitch, décembre 2023