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Trombones, cordes, enveloppes, bloc-notes, sifflets, clés, serrures et miroirs, voilà quelques-unes des choses de notre monde qu’Anne Neukamp a cherché à représenter dans sa peinture. Pour elle, l’activité représentative n’a pas pour moteur une ambition réaliste. Son intention apparaît plutôt strictement sémiologique : il s’agit de produire le signe d’un trombone, d’un sifflet, d’une serrure, ou d’un miroir, c’est-à-dire une image dont la compétence représentative est réduite au strict minimum.
Dans l’exposition « Mirror », la première de l’artiste à la galerie Semiose, Anne Neukamp présente une dizaine de nouvelles peintures donnant à voir, sur des fonds instables réalisés à la tempera et à l’huile, des pictogrammes de miroir de divers types : certains sont sur pied, d’autres sont doubles ; d’autres encore sont brisés.


- Anne Neukamp
- Sprout , 2025
- Huile, tempera et acrylique sur toile de coton
-
- 260 ×
- 150 × cm
- 102 3/8 ×
- 59 1/16 × pouces

- Anne Neukamp
- Revision , 2025
- Huile, tempera et acrylique sur toile de lin
-
- 80 ×
- 60 × cm
- 31 1/2 ×
- 23 5/8 × pouces

- Anne Neukamp
- Tilt , 2025
- Huile, tempera et acrylique sur toile de lin
-
- 100 ×
- 75 × cm
- 39 3/8 ×
- 29 1/2 × pouces
Au mitan des années 1970, les artistes de la Pictures Generation réemployaient des images existantes dans une manœuvre appropriationniste. Dans un geste équivalent, que l’on pourrait qualifier de « Pictures 2.0 », Anne Neukamp sélectionne sur Internet – sur des sites tels Clipart ou 3D Models, qui fournissent des dessins aux lignes simplifiées et des symboles numériques prêts à l’emploi – des formes génériques qui deviendront le sujet de ses toiles. Ainsi, pour cette nouvelle série, elle a choisi des pictogrammes de miroir aux formes rudimentaires, parfois même assez grossièrement pixélisées – des images que ne renierait pas la graphiste Susan Kare, créatrice des premières icônes d’Apple au début des années 1980. Les impressions au format A4 de ces représentations génériques de miroirs tapissent un mur entier de l’atelier berlinois d’Anne Neukamp, tandis que sur les murs adjacents, ces pictogrammes se voient agrandis et reproduits sur la noble toile de lin. Announcement témoigne de ce changement d’échelle : le petit pictogramme punaisé au mur devient le sujet central d’une composition de 2,80 m de hauteur sur 1,60 m de largeur. De même, les éclats du miroir brisé de Fall apparaissent disproportionnés tant la peinture est large (2,20 m). Au-delà de leur taille imposante, chaque miroir présente des caractéristiques formelles tout aussi troublantes, liées à leur origine numérique.



- Anne Neukamp
- Announcement , 2025
- Huile, tempera et acrylique sur toile de lin
-
- 280 ×
- 160 × cm
- 110 1/4 ×
- 63 × pouces


- Anne Neukamp
- Adjustment , 2025
- Huile, tempera et acrylique sur toile de coton
-
- 65 ×
- 75 × cm
- 25 9/16 ×
- 29 1/2 × pouces

- Anne Neukamp
- Fall , 2025
- Huile et acrylique sur toile
-
- 190 ×
- 220 × cm
- 74 13/16 ×
- 86 5/8 × pouces


- Anne Neukamp
- Shade and Light , 2025
- Huile et acrylique sur toile de coton
-
- 180 ×
- 140 × cm
- 70 7/8 ×
- 55 1/8 × pouces
Les miroirs d’Anne Neukamp n’ont aucun référent dans la réalité. L’artiste les convoque parce que ces objets sont des producteurs d’images, et qui plus est de représentations directement et instantanément produites par le réel. Mais dans ces peintures, le miroir ne réfléchit que ce qui refuse précisément la représentation : l’abstraction. Les miroirs d’Annoucement et de Tilt, cernés de noir comme le cadre d’un tableau, donnent à voir de pures abstractions géométriques, faites de bandes diagonales parallèles blanches et bleues. Les mêmes bandes, de bleus différents, recouvrent les surfaces des « tableaux-miroirs » de Adjustment et Revision, tandis que les surfaces miroitées de Sprout et Incident prennent la forme de dégradés bleutés. Pour s’en tenir à la classification des signes définie par le sémiologue Charles Sanders Peirce, le signe produit par un miroir, le reflet, est un indice, voire un super indice dans la mesure où il manifeste le réel en direct. Ici, pourtant, il semble avoir perdu cette dimension indicielle puisqu’il ne donne à voir nul élément du réel, ni corps ni objet, mais des formes abstraites. Le miroir lui aussi est affecté par cette perte de réalité puisqu’il n’est plus qu’un pictogramme. Tout se passe comme si les peintures d’Anne Neukamp célébraient la revanche de l’icône sur l’indice, ou du moins en prenaient acte.

- Anne Neukamp
- Diplopia , 2025
- Huile, tempera et acrylique sur toile
-
- 85 ×
- 100 × cm
- 33 7/16 ×
- 39 3/8 × pouces


- Anne Neukamp
- Fracture , 2025
- Huile, tempera et acrylique sur toile de coton
-
- 80 ×
- 100 × cm
- 31 1/2 ×
- 39 3/8 × pouces

- Anne Neukamp
- Together , 2025
- Huile, tempera et acrylique sur toile de lin
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- 90 ×
- 65 × cm
- 35 7/16 ×
- 25 9/16 × pouces
Portant une charge critique sur le contexte médiatique de l’époque, l’art d’Anne Neukamp brouille les pistes. En dégradant et hybridant des signes de l’industrie de la communication, ses peintures vident de leur sens des symboles censés clarifier et transmettre des informations. Plus espiègles que trompeuses, elles exigent du spectateur de reconditionner complètement ses habitudes de lecture d’une image. Ainsi défamiliarisés, les motifs capitulent devant les plages de couleurs presque monochromes qui les entourent. Mélangeant des registres et des techniques très différentes – huile, tempera et acrylique – Anne Neukamp agrège sur une même toile plusieurs traditions. Les significations implicites et associations figuratives semées dans ses peintures incitent à faire confiance à l’intelligence d’une démarche conceptuelle, sans renoncer pour autant à la contemplation, au sens très premier du terme.
Née en 1976, Anne Neukamp vit et travaille à Berlin. Résidente de l’ISCP de New York et diplômée de l’école des beaux-arts de Dresde où elle enseigne aujourd’hui, ses œuvres ont notamment été exposées au musée Léopold Hoesch à Düren et au Ludwig Museum à Budapest (2023), aux Beaux-Arts de Paris (exposition We Paint! en 2022), à l’University of the Arts | Rosenwald Wolf Gallery à Philadelphie (2018), au KW de Berlin et à la Kunstverein d’Oldenburg (2013), au Palais de Tokyo pour le cinquième Prix Jean-François Prat (2016). Ses œuvres figurent dans de nombreuses collections privées et publiques, notamment celles du musée des beaux-arts de Rennes, du musée de Rochechouart, de la Société Générale, du Fonds de dotation Bredin-Prat et du Fonds de dotation Famille Moulin – Lafayette Anticipations.
