Né à Harlem en 1938, Steve Gianakos reste un éternel jeune artiste, comme certains acteurs restent perpétuellement de « jeunes premiers ». Largement méconnu, il a préféré, Robert Storr le souligne, « cultiver la plus grande discrétion après avoir accédé à une certaine visibilité ? sinon notoriété ? tôt dans sa carrière ». Le MoMA, le Whitney, le Guggenheim, entre autres, ont néanmoins su lui accorder une place de choix dans leurs collections, et l'exposer à la lumière en temps voulu, à l'instar du MoMA dans l'exposition « Exquisite Corpses » en 2012.

A la faveur d'un regain d'intérêt pour les marges de l'histoire de l'art des années 1980, l'Europe s'est récemment mise à courtiser Steve Gianakos, notamment le Bonnefantenmuseum de Maastricht dans l'exposition « Exile on Main Street », aux côtés de John Wesley et Richard Artschwager. La France n'est pas en reste : après un second show dans la galerie Semiose en janvier 2017 qui a suscité une soudaine effervescence médiatique (Arte, France Culture, Les Inrocks, etc.), sa programmation prochaine dans un grand musée parisien est à l'étude et le musée des beaux-arts de Dole lui consacre une exposition personnelle en juin 2017.

De dix ans le cadet d'Andy Warhol et de Roy Lichtenstein ? à qui il voue une admiration qu'on disait réciproque ? Steve Gianakos est associé au Pop Art du fait des moyens populaires de son art et de sa gourmandise pour les illustrés de genre ? DC Comics et BD adulte. Mais là s'arrête sa filiation avec le Pop Art, tant la relation qu'il entretient avec ses sujets est beaucoup trop oblique, et tant aussi le Pop Art est devenu aujourd'hui une fabrique d'images commerciales. Au contraire, par sa charge politique et critique, il inscrit sa peinture dans la « veine insolente et malpolie de la contre-culture qu'est celle d'un pop narquois », comme le relève Judicaël Lavrador dans Libération (janv. 2017).

Steve Gianakos puise à des sources graphiques très disparates et s'éloigne beaucoup de ses documents d'origine, produisant sa propre écriture stylistique, fondée notamment sur une très grande attention portée à la technique. Avec un apparent naturel, il a forgé son style, reconnaissable entre tous, qu'il tient de bout en bout. Les motifs et les objets sont traités comme des signes, assemblés en phrases, recomposés et épuisés à l'infini. Les images que l'artiste en tirent s'agencent en séries, souvent déployées sur plusieurs décennies.

L'ensemble rassemblé pour la FIAC est exceptionnel car rares sont les peintures de Steve Gianakos datées des années 1980. Le stand s'envisage dans une scénographie discrètement spectaculaire : les murs bleus nuit et le sol noir mat subliment les contrastes noirs et blancs des tableaux et opèrent comme une allusion ténue aux night-clubs des années 80. Surtout, cet environnement attire l'attention, à la mesure de celle que mérite cette ?uvre sous-estimée.