«Certains tableaux amusent, ils parviennent à nouer avec celui qui les regarde une relation familière. Le spectateur, attendri, gagne en indulgence et devient plus perméable. La survenue de ce joyeux phénomène est, à mon sens, une victoire tant pour l’auteur que pour le spectateur.

Pourtant je ne me souviens pas d’un éclat de rire sincère suscité par de la peinture. Je ne ris pas aussi volontiers devant la peinture qu’au cinéma ou au théâtre. Je souris plus que je ne ris. Inutile donc de prétendre réunir un ensemble de peintures comiques qui risquerait, comme une bonne blague annoncée avec aplomb, de s’écraser contre des spectateurs de marbre. Il n’a pas été facile de trouver un terme sous lequel abriter les tableaux qui m’animent et m’amusent. Finalement, le mot “plaisanteries” m’a semblé juste.

La plaisanterie est un excellent prétexte pour peindre un tableau. Elle n’interdit rien, ni l’exigence ni le beau. Elle accueille le laid, l’absurde, le pathétique et le mal fait. Elle n’exclut ni le sens ni le drame. Elle est souvent l’endroit où célébrer ses lacunes, sa gaucherie, son ignorance. Elle est l’occasion de rire de soi, de son infirmité et de ses chimères. La plaisanterie à laquelle je pense, c’est celle avec laquelle l’artiste s’attaque au monument de la peinture sans l’abimer. Celle qui l’aide à se tenir debout et joyeux devant une histoire pleine de grandiose et de renouveau. Celle qui l’aide à exercer un métier qui s’accommode si mal de ce qui est moyen. Celle au nom de quoi, il devient possible de faire l’idiot dans cet habit trop lourd. Celle qui, à un moment, cible la peinture et la tourne en dérision.

Plaisanteries est le prétexte pour réunir quelques-uns des tableaux et des peintres que j’aime. Parmi eux, il y a ceux qui plaisantent souvent, ceux qui le font parfois et ceux à qui j’ai passé commande.»

Marius Pons de Vincent