La Bouteille, projet d’Abraham Poincheval commandé par Plaine Commune et porté par le cneai = en association avec Ilotopie, s’étend sur 580 centimètres de long et 190 centimètres de diamètre. Elle devient cet été un véritable vaisseau, puisqu’elle sera pour la première fois mise à flot et habitée par l’artiste sur le Canal Saint-Denis au moment des Jeux Olympiques de Paris 2024.

À l’ouverture des Jeux Olympiques de Paris, Abraham Poincheval offrira une performance aux habitués du canal, aux passants, mais aussi aux supporters et touristes se rendant au stade de France. Pendant deux semaines, du 25 juillet au 7 août 2024, l’artiste habitera l’intérieur de la bouteille dans une performance dont il a le secret. Habitué des pratiques extrêmes, Abraham Poincheval fait écho aux notions d’enfermement, d’isolement et d’immobilité, s’ouvrant au voyage méditatif et questionnant la résilience des corps ainsi que leurs interactions environnementales.

Le lieu choisi fait écho à l’Histoire : lors du siège de Paris durant la guerre franco-allemande de 1870, alors que le Canal Saint-Denis est encore en construction, les assiégés insèrent des messages dans des boules d’étain conçues pour flotter entre deux eaux et traverser les lignes adverses. Le lieu confère ainsi à l’objet un caractère d’entité : “objet agrandi que l’on croirait abandonné par un géant”, la bouteille perturbe le paysage en y invitant son lot d’imaginaire. Objet à récit, à fiction, elle propose une narration pour qui le passant, étonné·e, deviendrait spectateur·ice et s’arrêterait un instant.

Le thème de la bouteille à la mer symbolise une traversée du temps et des espaces, au gré des vents et des courants, pour délivrer un message. Que le récit de la bouteille à la mer soit imaginaire ou réel, il nous offre une lecture de la société qu’il traverse, tout comme les Jeux Olympiques qui semblent cristalliser en un punctum l’essence d’une époque, d’une civilisation, d’une ville, d’une géopolitique. Ainsi embouteillé, Abraham Poincheval s’entoure du minimum vital – eau, vivres, nécessaire de secours et commodités - et d’un écosystème végétal faisant de l’habitacle à la fois un jardin, une serre, une chambre à coucher, une cuisine, un salon, une salle à manger, des toilettes sèches. Il y reconstitue les conditions d’une vie possible, singulière et rudimentaire. L’expérience de La Bouteille reprend les notions de performance et d’endurance pour les questionner : dans une société survoltée aux modes de vie intensifiés, l’immobilité n’est-elle pas un effort remarquable, un objet potentiellement politique, une performance d’abnégation ou de maîtrise de soi ?