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Personnaliser

Helene Appel
Un jour

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    Une petite toile de coton blanc sur laquelle est posée, en peinture, une enveloppe (Envelope, 2025) me fait venir à l’esprit les mises à jour successives du terme « réalisme », pour lui faire dire le rapport au réel d’une certaine époque ou d’une géographie donnée. Néo, nouveau, hyper, voire magique… La recherche d’un préfixe ou suffixe pourrait servir de fil conducteur pour qualifier l’œuvre d’Helene Appel, sauf que ce fil serait trop monocorde, tant il y a de fils et de fibres hétéroclites, fins ou épais morceaux de choses peintes sur des pans de toiles.

    Depuis qu’elle a commencé à peindre vers 1990, et plus spécifiquement des objets à taille réelle en 2005, Helene Appel a « posé » sur des portions de toiles des objets divers, tant organiques que minéraux. Ce sont des légumes, des steaks, des grains de riz, du verre brisé, relevant de l’espace domestique genré – à cet égard, on peut penser à la référence en la matière, la vidéo Semiotics of the Kitchen (1975) de Martha Rosler, dans laquelle l’artiste brandit en les nommant un à un des ustensiles de cuisine. Mais Helene Appel ne se cantonne pas à la maison, elle représente également des choses extérieures, naturelles ou non, telles qu’un arbre ou une plaque d’égout.

    • Helene Appel
    • Car Light , 2025
    • Huile et acrylic sur toile de cotton
      • 65 ×
      • 27 ×
      •  cm
      /
      • 25 9/16 ×
      • 10 5/8 ×
      •  pouces

    • Helene Appel
    • Manhole cover , 2025
    • Acrylique et aquarelle sur toile de lin
      • 78 ×
      • 75 ×
      •  cm
      /
      • 30 11/16 ×
      • 29 1/2 ×
      •  pouces

    • Helene Appel
    • Sandpit , 2021
    • Acrylique sur toile de lin
      • 270 ×
      • 176 ×
      •  cm
      /
      • 106 5/16 ×
      • 69 5/16 ×
      •  pouces

    Son œuvre a des airs de photographie, en tout cas de photographie allemande. De même que Hilla et Bernd Becher photographiaient les bâtiments qu’ils inventoriaient de face, ou que Thomas Ruff a capturé le portrait de ses modèles avec la frontalité d’un photomaton, Helene Appel ne représente jamais les choses de biais, dans un coin ou masquées par une quelconque ombre. Non, elle sort la portion de viande ou de saumon de sa barquette et, par la magie de sa traduction en peinture, la place face à nous, dans la plus grande évidence. Son travail se situe dans une quête d’objectivité, dans le sens où l’objet prime sur tout le reste, en premier lieu sur son contexte qui disparait au profit de la toile nue. Ainsi, le regard du public n’a pas à vagabonder çà et là dans l’espace pictural pour mettre en relation des indices. L’objet lui saute aux yeux, comme son reflet dans un miroir.

    • Helene Appel
    • Book , 2025
    • Acrylique sur toile de coton
      • 30 ×
      • 22 ×
      •  cm
      /
      • 11 13/16 ×
      • 8 11/16 ×
      •  pouces
    • Helene Appel
    • Envelope , 2025
    • Acrylique sur coton
      • 17.5 ×
      • 23.5 ×
      •  cm
      /
      • 6 7/8 ×
      • 9 1/4 ×
      •  pouces


    • Helene Appel
    • Pavement , 2024
    • Crayon et acrylique sur toile de coton
      • 322 ×
      • 145 ×
      •  cm
      /
      • 126 3/4 ×
      • 57 1/16 ×
      •  pouces
    • Helene Appel
    • Ribs , 2025
    • Encaustique, huile et aquarelle sur toile de lin
      • 14.2 ×
      • 16.3 ×
      •  cm
      /
      • 5 9/16 ×
      • 6 7/16 ×
      •  pouces

    Dans un texte récent, l’historienne de l’art Matilda Felix compare la peinture d’Helene Appel à une observation scientifique. Elle y parle d’une table de dissection. En suivant son interprétation, il faudrait donc reconsidérer celle de Lautréamont – « beau comme la rencontre fortuite sur une table de dissection d’une machine à coudre et d’un parapluie » – pour la prendre au sérieux. La table de dissection du scientifique ou du poète – mais j’ajouterai la planche à découper de la cuisinière ou les bacs à sable sous les pas des enfants – sont autant de plans de travail évoqués par les fonds des tableaux en toile plus ou moins fine, toujours laissée apparente. Matériellement là, elle sous-tend l’image, alors même que les objets varient. Ou plutôt : la variation des objets finit par faire varier la toile, la toile de fond devenant le fond de la forme, le fond de l’enveloppe n’étant pas le fond du liquide vaisselle qui n’est pas le fond du phare de voiture.


    • Helene Appel
    • Cleaning , 2024
    • Acrylique et aquarelle sur toile de lin
      • 199 ×
      • 142 ×
      •  cm
      /
      • 78 3/8 ×
      • 55 7/8 ×
      •  pouces


    • Helene Appel
    • Duvet Cover , 2023
    • Acrylic and watercolour on linen
      • 210 ×
      • 120 ×
      •  cm
      /
      • 82 11/16 ×
      • 47 1/4 ×
      •  pouces
    • Helene Appel
    • Envelope , 2025
    • Acrylique et aquarelle sur toile de coton
      • 22.3 ×
      • 11.3 ×
      • 1.3 ×
      •  cm
      /
      • 8 3/4 ×
      • 4 7/16 ×
      • 1/2 ×
      •  pouces

    Cette omniprésence de la matérialité de la toile produit un effet de distanciation, autrement dit une rupture avec un possible effet de trompe-l’œil ou une démonstration de virtuosité. Le cas de deux peintures, l’une intitulée Sandpit (2021) et l’autre Duvet Cover (2023), est à cet égard particulièrement remarquable. Dans la première, l’étendue de sable redouble la toile de fond par la couleur, chaque point figurant un grain se confondant avec les fils entrecroisés. Dans la deuxième, le motif du tissage se superpose au tissage réel de la toile. Toutes deux rappellent la carte à l’échelle 1 du roman de Lewis Caroll, Sylvie et Bruno : « Nous avons réalisé une carte du pays, à l’échelle d’un mile pour un mile! […]. Les fermiers ont protesté : ils ont dit qu’elle allait couvrir tout le pays et cacher le soleil ! Aussi, nous utilisons maintenant le pays lui-même, comme sa propre carte, et je vous assure que cela convient presque aussi bien. » De même que chez l’écrivain britannique la carte ramène au sol réel, chez Helene Appel l’objet fait redécouvrir la toile de fond, qui, de composante la plus littérale, devient la plus métaphorique. Peut-être que le fond est ici le vrai sujet, un fond qui fait dialoguer la vie de tous les jours avec l’histoire de la peinture. Cette histoire, Helene Appel en hérite et l’actualise, d’un geste aussi radical que celui par lequel on l’imagine déchirer l’emballage des spaghettis, avant d’en jeter quelques-uns à la surface du tableau.

    — Vanessa Morisset


    • Helene Appel
    • Spaghetti , 2025
    • Huile et aquarelle sur toile de lin
      • 42 ×
      • 43 ×
      •  cm
      /
      • 16 9/16 ×
      • 16 15/16 ×
      •  pouces

    Helene Appel rend présentes les choses qu’elle peint, à échelle réelle, sur une toile de lin brute, indexant le format et la technique de chaque tableau à son sujet. Ne renonçant à aucune trivialité, sa peinture délivre une vision aussi dépouillée que possible, loin de toute interprétation morale ou métaphysique. La vérité crue d’objets fragiles et banals est saisie avec un réalisme à la fidélité implacable, dans la perfection de l’instant. L’œil n’est pas manipulé comme dans un trompe-l’œil, il est au contraire encouragé à détailler les qualités esthétiques inhérentes aux brindille, eau savonneuse, filet de pêche, enveloppe, fenouil haché... L’apparente simplicité de rendre vivants ces objets par la peinture ouvre sur l’abyssale exploration des relations entre art et réalité. Ou dit brièvement : « What you see is what you get… but take a better look at what you see. »

    Née en 1976 à Karlsruhe (Allemagne), et vivant à Berlin, Helene Appel est diplômée de l’école d’art de Hambourg et du Royal College of Art de Londres. Elle a exposé entre autres au Museo Marino Marini (Florence), à la Drawing Room et à la Hamburger Kunsthalle de Hambourg, à la Städtische Galerie de Delmenhorst, à la Fondation Thalie (Bruxelles). Ses œuvres font partie de nombreuses collections publiques et privées, en Grèce (National Museum of Contemporary Art), Italie (La Gaia), Allemagne (Olbricht Collection) et Grande-Bretagne (Touchstones Rochdale, …).