Le bruissement de l'auteur

La thèse de doctorat, soutenue le 23 novembre à 14h, se compose d'un ensemble d'oeuvres exposées d'Hippolyte Hentgen et d'un livre d'artiste découpé en six textes indépendants. Il s'agit d'une succession d'analyses, de descriptions d'oeuvres choisies dans l'histoire de l'art qui apparaissent comme Exemples et qui accompagnent la construction du travail plastique. L'ambition de ce texte est de traiter de façon croisée la question des différents modes opératoires du dessin qui se constitue comme une langue et de l'emploi du document comme matériau. Cette recherche se centre sur l'image document et sa relation avec le dessin, du point de vue de la reproductibilité. Il est question de l'émancipation de ce médium, longtemps considéré dans la hiérarchie des beaux-arts comme une pratique ancillaire et de l'héritage des questions esthétiques modernes. Si la notion d'auteur est centrale, basée sur l'expérience de la pratique d'atelier du duo Hippolyte Hentgen, elle reste une notion indistincte, effacement volontaire du "un" sacralisé, au profit d'un mélange entre intime et collectif. Avec la question du document, c'est le problème global du rapport entre le "réel", "l'original" et ce qui en est, selon les terminologies, "la copie", "la reproduction", "l'image", "la trace", "l'archive" qui se pose. Il faudra sans cesse détailler, en fonction de sa nature spécifique, comment le document se trouve physiquement fixé et, ainsi, transformable. On considère généralement que l'oeuvre dessinée est close sur elle-même, dans la sphère de l'intime, du "je", indissociable de la notion d'auteur. Or le dessin d'art n'a, du point de vue expressif qu'une relation lointaine, et cryptée par l'auteur, avec le réel extérieur. Il s'agit donc de mettre en relation un ensemble de "documents", qu'ils soient anonymes pour les uns, attribués pour d'autres. Tous ont en comme d'être, d'une certaine manière, des icônes de la modernité. Ensemble ils composent une matrice formelle propre à recueillir les manifestations imagées du réel dans toute sa diversité. Il s'agit de voir dans la relation entre dessin et document une capacité joueuse à s'ouvrir au monde et à penser le dessin d'art comme forme émancipée et politique.

Depuis 2007, Gaëlle Hippolyte et Lina Hentgen collaborent sous le nom de groupe Hippolyte Hentgen. Ce duo est avant tout animé par l'envie d'égalité et de partage dans le moment de la réalisation des projets ainsi que dans l'intention de redéfinir la question de l'auteur-signataire. Leur collaboration s'appuie sur une culture commune qui mêle sans hiérarchie une affection pour la bande dessinée américaine des années 1930n le cinéma, l'image trouvée, la publicité ou plus largement la citation d'oeuvres majeures de l'art qu'elles recomposent et agencent très librement. Si ce duo déploie son travail aussi bien dans les champs de la peinture, de la sculpture, du spectacle vivant, c'est toutefois dans la pratique du dessin et du collage qu'il s'enracine dans une manipulation très libre vivant à donner une forte autonomie à l'image. Leurs oeuvres s'offrent au regard comme un songe éveillé, peuplé de créatures étranges et énigmatiques, de situations échappant à toute logique cartésienne, et traversée par une douce mélancolie où les regards se dissimulent, se travestissent ou se masquent. Avec leurs oeuvres, Hippolyte Hentgen propose une manipulation d'une image trouvée marquée par le souvenir de l'enfance et de l'innocence et recouverte de signaux caractéristiques de l'univers du cartoon ou des dessins outsiders. Le souvenir enfantin est ainsi recomposé dans une abolition entre la fiction et la réalité, entre l'action joyeuse et son souvenir.