SIX QUESTIONS ESSENTIELLES POUR COMPRENDRE L’EXPOSITION 
« LES NAINS AUSSI ONT COMMENCÉ PETITS »


QUI ?
Présence Panchounette, un collectif d’artistes, fondé à Bordeaux en 1969 et dissout en 1990 quelque part en France.

QUOI ?
Une exposition de leurs « œuvres lumineuses » – c’est-à-dire des installations incluant un système d’éclairage électrique dans leur composition (appliques, guirlandes de Noël, flash d’appareil photo) – accompagnées par quelques peintures et œuvres graphiques. L’œuvre la plus ancienne remonte à 1974 et rappelle que « Présence Panchounette est de Bordeaux comme Dada de Zurich », la plus récente est datée de 1989 et figure, fixés sur une planche d’aggloméré bleu au motif liquide, une faucille et un marteau à jamais séparés. Entre ces deux dates, d’autres œuvres, dont six nains fort célèbres écoutant la leçon de leur maître juché sur une lampe faite à partir d’une bouteille de lessive (Auch Zwerge haben klein angefangen, Les nains aussi ont commencé petits, 1980), mais aussi des peintures abstraites circulaires intitulées Toile mortadelle, Toile saucisson et Toile boudin (1987).
Une exposition donc, mais surtout un état d’esprit, une provocation, le refus du bon goût moderne, une sérieuse dose d’humour et d’autodérision, des références à l’Internationale Situationniste et au marxisme, un peu de Pop art à la française, des jeux de mots qui deviennent jeux avec des objets, une pensée critique, la mise à l’honneur de la banalité et un sourire (ajouté à l’emblème bien trop sérieux du Bauhaus).

OÙ ?
Dans la Galerie Semiose, 54 rue Chapon, dans le 3e arrondissement de Paris (à deux pas du Centre Georges Pompidou), France.

QUAND ?
Du 18 mai au 15 juin 2019. Vernissage le 18 mai à partir de 11 heures.

COMMENT ?
Grâce à l’engagement de certains de ses membres. Car après la dissolution du collectif, certains ont tout fait pour que Présence Panchounette trouve la place qu’il mérite dans l’histoire de l’art, en exposant par exemple au MAMCO de Genève (Back is Back, 2005 et L’avant-garde, doyenne de l’humanité, 2009) dans la ville de Bordeaux (CAPC et autres lieux, 2008) ou au Garage Cosmos de Bruxelles en 2018 avec la bien titrée : Ceci n’est pas une exposition de Présence Panchounette. Il en est de même à la galerie Semiose depuis 2011 qui organise non pas des expositions de Présence Panchounette mais présente des œuvres de Présence Panchounette.

POURQUOI ?
Parce que tout artiste « contemporain » qui se respecte et souhaite accéder à ce titre honorifique se doit de faire une œuvre lumineuse. Cela peut sembler une boutade mais l’œuvre lumineuse est devenue un genre à part entière, au même titre que la peinture, la vidéo ou les installations sonores. À tel point que la ville d’Unna, en Allemagne, possède depuis plusieurs années un centre d’art intégralement dédié à l’art lumineux (Zentrum für Internationale Lichtkunst). Aujourd’hui, si les néons de Bruce Nauman (à partir du milieu des années 1960) ou les tubes fluorescents de Dan Flavin (dès 1961) hantent nombre de musées, il est impossible de recenser tous ceux qui les ont suivis. Mais, surtout, ce type d’œuvres est la preuve ultime de l’inscription de l’artiste dans son temps : un monde de publicités en néon, de clinquant coloré et de tape-à-l’œil gentillet.
Présence Panchounette ne déroge pas à la règle mais, comme toujours, le fait AUTREMENT que tout le monde ! Parfaitement conscients que l’art possède une valeur de décor (et, dans le même temps, une certaine plus-value sémantique), ils ont décidé de lui ajouter une fonctionnalité certaine : éclairer. Bref, dans leur cas, il ne s’agissait pas de s’offrir un titre de gloire mais bien de régler un problème que connaissent tous les amateurs d’art : éclairer convenablement une œuvre (une fois ramenée chez soi ou accrochée dans un centre d’art ou un musée). Toujours avec un coup d’avance, Présence Panchounette déroule une véritable « critique institutionnelle » avant même que le terme ne soit mis à la mode dans les années 1990. Et je ne parle pas de la dimension postcoloniale de leur Section africaine ou de l’œuvre Brownie Flash (1984) qui répond à de nombreuses questions actuelles concernant les arts premiers ! Présence Panchounette, non content d’être de Bordeaux, était simplement, pour reprendre le titre d’un film de Maurice Lemaître, Toujours à l’avant-garde de l’avant-garde jusqu’au paradis et au-delà.


Thibaut de Ruyter

Thibaut de Ruyter est un critique et commissaire d’expositions français, installé à Berlin depuis 2001. Durant les dix dernières années il a organisé des expositions aux Kunstmuseum de Bochum, Museum Kunstpalais à Düsseldorf, Museum Angewandte Kunst de Frankfurt-sur-le-Main, HMKV à Dortmund, EIGEN+ART Lab et CTM à Berlin, Muzeum Sztuki à Łódź et au CRP/ à Douchy-les-Mines. Ses centres d’intérêt vont des nouveaux médias au spiritisme en passant par les « expositions qui ne sont pas des expositions ». La plupart de ses projets sont liés par la culture quotidienne, pop ou underground. Il est, depuis 2003, le correspondant en Allemagne du magazine Art press.