Cette nouvelle exposition personnelle consacrée à documentation céline duval relève avec une grande clairvoyance les enjeux de l'image imprimée, et plus largement du document, à l'ère du numérique.

Envisagée depuis douze années comme entreprise de constitution d'un fonds iconographique, l'oeuvre de documentation céline duval rejoint le projet utopique d'encyclopédie. Toute aussi vaine que nécessaire à celui qui l'engage, la collection et les actions qu'elle induit de sélection, classification, conservation encore, apparaissent comme de véritables « stratégies d'esquive » que les hommes mettent en place pour proposer une structure au chaos du monde.

Agissant simultanément comme une numérisation et destruction d'un fonds publicitaire collecté entre 1998 et 2010, la série vidéographique Les allumeuses affronte l'échec de l'entreprise et le fétichisme qui accompagne son objet : les images. Alors même que la valeur des images publicitaires qui nous intéressent ici ne soit pas définie par leur rareté. Dans le cas des Allumeuses, c'est le temps qui joue, le temps seul, c'est-à-dire leur valeur de marqueur historique. Des plus anciennes - certaines datent de plus de dix ans, impensable dans le domaine de la publicité où une image, une campagne en chasse une autre - aux plus récentes, simplement empilées par typologies de représentation, Les Allumeuses révèlent, figent une dernière fois un temps publicitaire, un temps fictif et obsolète avant de le détruire en soumettant au feu chaque feuille de papier glacé. Car Les allumeuses, celles qui attisent, se sont bien elles : les images imprimées, dangereusement tangibles, contrairement à ces corps lointains et fantasmés. Le titre condense-t-il ainsi tout l'enjeu du propos, c'est-à-dire l'ambiguïté, le malentendu farouchement cultivé entre le support, objet de collection, et sa représentation, point de compréhension du monde en un temps donné.
Les Allumeuses se situent ainsi à la charnière de cette tradition historique de la collection, qui du cabinet de curiosité au fonds Maciet, a vu sa fin signée par la généralisation d'internet et Google à la fin des années 90 et début 2000. Pourtant la nostalgie n'a pas lieu d'être car quelque soit le support, papier ou numérique, le jeu des images en circulation s'attache invariablement à donner une représentation du monde pour conjurer, peut-être, l'inéluctable mort.

Née en 1974, documentation céline duval vit et travaille à Houlgate. Parmi ses expositions personnelles : Les frontières de sable, La Filature, Mulhouse (2010); White Room, White Columms, NY (2008); documentation céline duval, Semiose galerie (2009); Table d'hôtes, Institut d'art contemporain, Villeurbanne (2007); Les Migrateurs - Tous ne deviendront pas footballeurs, ARC Musée d'art moderne, Paris (2002). Elle a également participé à de nombreuses expositions collectives parmi lesquelles Codex Voltex, Printemps de Septembre, Toulouse (2010); La revanche de l'archive photographique, Centre national de la photographie, Genève (2010); Collecter/ Recycler, Centre photographique d'Ile de France, Pontault-Combault (2010), Instants anonymes, Musée d'Art Moderne et Contemporain de Strasbourg (2008). Elle présente actuellement une exposition personnelle, Trophäen Kammer, au AK Kunstprojekte, Vienne (Autriche) et participe à l?exposition Homo Ludens à la Motive Gallery à Amsterdam (NL).