Pour sa rentrée 2014, Semiose fait la lumière sur l'oeuvre de Françoise Pétrovitch en lui consacrant sa seconde exposition personnelle à la galerie et en publiant, parallèlement, un catalogue qui rassemble de manière exemplaire un corpus d'oeuvres récentes. Deux temps donc, ou deux formes chères à l'artiste (l'exposition et la publication), qui permettront avant tout d'envisager d'autres pistes de lectures de l'oeuvre de Françoise Pétrovitch et de se départir de son automatique compréhension par le versant narratif ou poétique.  

Car, si depuis le milieu des années 90 Françoise Pétrovitch s'est emparée d'un vocabulaire lié à l'adolescence, l'enfance ou, par extension, aux contes et ses symboles, c'est moins par volonté de dissertation sur le « sujet » que par défi du « genre ».

Ces figures de fillettes, de garçons, que l'on retrouve de manière récurrente au fil des oeuvres sur papier, sur toile, des dessins muraux, des sculptures, des installations, sont avant tout des archétypes départis de toute histoire. Ils sont des figures en action, qui, par exemple, jouent à colin-maillard (Colin-maillard, 2014. Lavis d'encre sur papier), se tiennent par la main (Sans titre, 2011. Deux dessins superposés sur papier japon) ou encore se laissent tresser les cheveux (Sans titre, 2014. Lavis d'encre sur papier) dans autant d'actions universelles. Parfois encore ils se mutilent ou se torturent. D'une oeuvre à l'autre, ces archétypes simplement sexués (masculin/féminin) sont in fine interchangeables.

Aussi, l'œuvre de Françoise Pétrovitch se trouve-t-elle davantage motivée par les jeux de variations formelles autour de ses archétypes. L'oeuvre vidéo intitulée Échos (2013), et à laquelle l'exposition emprunte son titre, est en cela emblématique et va même plus loin en instaurant une dialectique de l'interaction entre ses variations. Échos est un montage enchainé de dessins, qui fait apparaître alternativement des images figurées, où l'on retrouve les archétypes précédemment nommés, des corps extraits, et des images totalement abstraites composées en paysages de couleurs, comparables à des tests de Rorschach ou au « soleil cou coupé » d'Apollinaire. Ce montage joue des fondus enchainés, de l'apparition autant que de la disparition de ces images qui se sur-impriment l'une sur l'autre de manière éphémère, sur la vidéo comme sur notre rétine par effets de persistance. Réfutant toute tentation de hiérarchisation, de classification ou de narration, la vidéo est une succession d'impressions et fait de l'oeil du regardeur un récepteur d'informations, certes subjectives, mais pures, c'est-à-dire libérées de tout sens a priori. Car le seul sens qui vaille ici est la vue, par qui les couleurs et les formes enchainées se redoublent ou se multiplient à l'infini, et qui se retrouve ici extériorisée, incarnée par le bassin d'eau placé sous l'écran, vibrant comme une rétine.

Ainsi si les images, qu'elles soient en deux ou en trois dimensions - dessins, toiles ou sculptures - sont bien « évocatrices », elles prennent soin de détourner notre regard du chemin balisé par la narration.

L'exposition découvre la voie d'une oeuvre, d'une pratique artistique, motivée par les jeux de composition. Il conviendrait en ce sens d'évoquer plus précisément, chez Pétrovitch, la question du « genre » en tant que catégorie artistique : le genre du portrait, de la « nature morte » ou encore de la «  verdure » qui désigne une tenture de tapisserie dont le décor est végétal ou animal, pour comprendre que c'est aussi en écho à toute l'histoire de l'art que l'oeuvre de Françoise Pétrovitch est composée.

Leslie Compan