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Rudy Cremonini est un indéniable peintre figuratif, au coup de pinceau assuré et volontairement appuyé. Sa peinture fluide, faite de gestes peu nombreux mais décisifs, et sa palette de couleurs dépouillée et sourde, ouvrent de grands champs de matière sur la toile. Sa capacité à animer la surface de ses tableaux est d’une surprenante vivacité : il traite avec une égale importance son sujet et son fond, au point que certaines zones du tableau, investies uniquement de textures et de variations apparemment arbitraires, sont plongées dans un régime d’abstraction total. Les objets et les portraits sont emportés par une fluidité qui dissout la scène dans la couleur, faisant fondre les sujets en eux-mêmes. La picturalité égare le regard et les pensées, les histoires non résolues flottent dans un sentiment de suspension, de désorientation, d'ambiguïté.

Les scènes que dépeint Rudy Cremonini sont d’apparence mélancoliques, parfois sombres, parfois romantiques. Loin de traduire une réalité, ces images issues de répertoires très variés évoquent plutôt un monde de rêves, de souvenirs et de peurs, surgi des profondeurs de notre imagination. Chaque tableau, en particulier les portraits saisis dans leur intimité, pourraient valoir pour d’efficaces témoignages d’une condition humaine entre solitude et vulnérabilité. Une population de spectres, de choses à naître, une marée visqueuse de présences, composent une peinture insaisissable, où tout reste glissant entre réalité et rêve, ombre et corps, création et dissolution.

Pourquoi avoir choisi la peinture pour vous exprimer ?
   
    Ma rencontre avec la peinture s'est faite naturellement et spontanément. Quand j'étais enfant, j'étais sous le charme d’un tableau de paysage chez ma grand-mère. Je me souviens avoir passé beaucoup de temps à le regarder, m'être perdu dans la texture du tableau et de ses tons verts et gris.

    À 16 ans, j'ai commencé à peindre, l'adolescence est une période d'expérimentations et de nouvelles connaissances. J'ai rencontré un peintre qui m'a donné un sac rempli de tubes de peinture à l'huile usagés. J'ai commencé et je n'ai jamais arrêté. Ce fut une grande chance de trouver mon médium si tôt et si naturellement.

    Ce n'était pas un choix, ça s’est imposé. Je peux dire que la peinture m'a sauvé la vie.

    La peinture est le support idéal pour mon travail car elle est étroitement liée à l'histoire de l’humanité. Mis à part les routines frénétiques de notre époque moderne, les émotions qui mettent en mouvement l'âme et l'esprit de l'homme suivent les mêmes rythmes que par le passé. La peinture est un médium qui accompagne l'évolution naturelle de l'homme. Sa cadence me permet de m'explorer à mon propre rythme, et le médium lui-même suit également ce rythme. C'est comme si nous nous connaissions depuis longtemps ; il y a un lien profond.


Quel type de communication souhaitez-vous établir avec le spectateur ?

    Le spectateur est complice. Mon approche consiste à l'engager d'une manière très séduisante. On pourrait croire que je ne m'y intéresse pas, mais au contraire, j'essaie constamment de le gagner. Sans les yeux de l'autre, je n'existe pas.


Que peut faire l'art, en général, de votre point de vue ?

    L'art élève tout à un niveau supérieur. Grace à lui nous dépassons l'instinct de survie pour atteindre aux perceptions les plus raffinées et les plus élevées.