Depuis quelques années, les dessins de Françoise Pétrovitch migrent dans ses sculptures. Pourtant, même si ses figures s'incarnent dans la vérité de la troisième dimension, elles n'en conservent pas moins leur potentiel graphique et l'empreinte du monde onirique qui les a vues naître. L'artiste souligne que « la sculpture est une pratique qui éprouve le temps, contrairement au dessin et à la peinture qui se placent dans un jaillissement ». Dans la droite ligne de ses projets antérieurs de sculpture - Forget Me Not (2009) et Sentinelle (2015) -, cette épreuve du temps force à se laisser surprendre. Avec les spectateurs, l'artiste observe la sculpture interroger : « depuis où regardez-vous l'oeuvre ? » et « depuis quel instant ? »

Dans Île, outre un personnage - dont le masque relevé sur la tête lui donne un air lointain de Janus - la sculpture comporte un bassin, dans lequel des plantes ont trouvé leur chemin. L'œuvre forme un jardin miniature, un lieu à la fois ordonné et désordonné, qui se transforme de manière imprévisible, au contact de la matière vivante et organique, selon le bon vouloir des plantes et le passage des saisons. Françoise Pétrovitch porte depuis un certain temps une affection réelle au jardin, qu'elle conçoit comme une œuvre, et qui comme telle se doit d'avoir sa logique interne, ses couleurs, son échelle, son mouvement. L'artiste pousse cette analogie au point de brouiller le rapport de l'oeuvre et du jardin. Ainsi a-t-elle choisi le bronze pour Île ; le matériau le plus juste pour l'intégration de la sculpture à l'espace naturel, la première devenant le rehaut du second, les subtiles patines de fonderie - du vert au brun, en passant par les gris et les dorés - s'harmonisant aux nuances délicates des feuillages. Françoise Pétrovitch prend le risque d'installer sa sculpture à concurrence des jarres, rocailles et autres coquetteries qui composent le corpus décoratif propre au jardin. L'intention d'Île est de déplacer le regard sur le lieu de repos et d'apaisement qu'est un jardin ; en retour, la matérialité de l'oeuvre est renouvelée par la vivacité des plantes.
« Je raffole de la botanique : cela ne fait qu'empirer tous les jours. Je n'ai plus que du foin dans la tête, je vais même devenir plante moi-même un de ces matins. » Jean-Jacques Rousseau (Lettre à Mme Delessert, 1765)