Le musée de l’Abbaye, à Saint-Claude, s’investit depuis plusieurs années dans le soutien à la création contemporaine et a invité, cette année, Laurent Proux en résidence au musée. Cette résidence jurassienne fait suite à de nombreuses résidences internationales de l’artiste – Madrid (Casa de Velázquez), Los Angeles, Chicago – et des expositions personnelles à Paris, Berlin, New York. Ce temps de recherche et de création sera suivi d’une exposition monographique du 8 février au 28 septembre 2025.

L’exposition de Laurent Proux au musée de l’Abbaye, qui se déploiera sur deux étages du musée, réunira une quarantaine d’oeuvres, dont environ la moitié sont inédites. Ces oeuvres, créées à la suite des nombreux séjours de Laurent Proux à Saint-Claude et dans le Haut-Jura – notamment dans les entreprises Jeantet, Guichard, Chacom, l’ESAT –, composeront un portrait de la ville et de son territoire industriel à l’héritage social si caractéristique.

La peinture de Laurent Proux prend pour sujet le corps humain mis en situation, notamment le corps au travail. Il a choisi de représenter le milieu ouvrier après avoir observé que celui-ci est très peu présent dans les représentations artistiques, en particulier dans le champ de l’art contemporain. C’est une façon pour l’artiste de mettre la peinture au défi de la réalité, adoptant l’espace fortement structuré et mécanisé de l’atelier ainsi que la chorégraphie millimétrée du travail collectif comme principes de composition du tableau. C’est aussi une façon de tendre un miroir aux regardeurs dans un jeu de mise à distance et d’identification.

Ces oeuvres seront présentées dans l’exposition aux côtés d’autres tableaux qui mettent aussi en scène des corps humains, mais dans des paysages naturels. Ces corps s’enlacent et s’articulent, tels des amoureux, des acrobates ou des pantins. Ces figures sont nées de l’imagination de l’artiste et de jeux de découpages qui lui servent à la composition du tableau. À l’opposé de l’espace fortement normé des ateliers de production qui demandent aux corps une constante mobilisation de leurs forces et une attention aux dangers, l’espace de ces oeuvres est propice au relâchement, au repos, même à la transformation.

Certains paraissent titanesques, tandis que d’autres ont leurs membres qui s’allongent, se prolongent en branche, se transforment en pattes, dans une étrange continuité entre l’humain, l’animal et le végétal. Ces corps libérés de toute assignation sociale, qui se rencontrent dans des paysages arcadiens, souvent irradiés par un soleil incandescent, y expérimentent la possibilité du désoeuvrement et du laisser-aller.

Ces deux corpus coexistent dans l’exposition et dans l’oeuvre de Laurent Proux, comme dans nos vies cohabitent l’intérieur et l’extérieur, le rêve et la réalité, nos désirs et les conventions sociales